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Transcription de l'émission


France-Inter    -   Le sept neuf du dimanche

Stéphane Paoli et Sandra Freeman

Dimanche 2 mai 2010


Etre en contre

 


Claude Angeli,

Rédacteur en chef de l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné
 

Laurent Beccaria,

Fondateur et directeur des éditions Les Arènes.
 

Alain Touraine,

Sociologue. Directeur d’études à l’EHESS. Ses principaux domaines de recherches : sociologie du travail et étude des mouvements sociaux.

Auteur de :

Un nouveau paradigme : pour comprendre le monde d'aujourd'hui. En livre de poche.2008.

 

Luc Montagnier,

Médecin virologue. Il a été professeur à l’Institut Pasteur et directeur de recherches au CNRS. Il a été directeur du laboratoire qui a découvert le VIH. Prix Nobel de médecine en 2008.

Auteur de :

Les combats de la vie. Ed Jean-Claude Lattès. 2008.

 


Transcription de l'émission


Stéphane Paoli : - Et puis je parlais, en commençant le 7-9 ce matin d’un chercheur dont on avait précédemment dit d’ailleurs qu’il était nobélisable pour ses travaux en biologie, il s’appelait Jacques Benveniste.  À la fin des années 80 il avait présenté une hypothèse de recherche dont vous vous souvenez sûrement il parlait de la mémoire de l’eau. Et le grand homme avait vu se dresser contre lui la communauté scientifique, mais... pas toute…

Bonjour Luc Montagnier!

Luc Montagnier : - Bonjour!

S.P. : - Merci d’être dans le studio de Sept-Neuf du week-end, faut-il vous présenter?  Vous êtes Prix Nobel de physiologie et de médecine.  Vous êtes le co-découvreur du virus du SIDA.  Vous êtes un chercheur de pointe.  Vous avez décidé, seul contre tous de quitter la France à un moment donné où on n’a pas jugé utile de vous encourager à poursuivre ici vos recherches.  Vous êtes parti aux États-Unis mais vous êtes à nouveau ici, en tous cas ce matin et vous avez poursuivi à votre façon la porte ouverte par Jacques Benveniste. 

L.M. : - Exactement. Je me suis basé sur des faits qui sont des expériences qui concordaient avec les idées de Jacques Benveniste.  Donc, pour moi Jacques Benveniste est un grand chercheur comme vous avez dit et c’est vraiment scandaleux la façon dont il a été traité.  Il est mort comme vous savez en 2004, on peut dire épuisé par toutes ces luttes et je crois qu’un jour prochain, il sera complètement réhabilité.

Je pense que c’est une affaire aussi importante que l’affaire Galilée.

Sandra Freeman : - En quoi Luc Montagnier vos travaux sur le virus du SIDA ont conduit à vous rapprocher de ses idées ? Parce qu'au départ ce n’était pas tout acquis cette question de la mémoire de l’eau.

L.M. : - Non pas exactement, bien sûr, c’était une idée assez révolutionnaire, c’est toujours une idée révolutionnaire que l’eau est un liquide extraordinaire.  C’est-à-dire que c’est un liquide qui paraît transparent dans un verre d’eau mais qui, en fait, est fait de grains, de grains organisés ; et il y a une autre molécule extraordinaire, c’est l’ADN, la double hélice et la double hélice est entourée d’eau.  Ce que j’ai trouvé avec mes collaborateurs c’est que cet ADN organise l’eau qui est autour et cette eau garde l’information de l’ADN.  Alors cela correspond exactement à ce qu’avait trouvé Jacques Benveniste pour d’autres molécules.  Alors c’était la première idée : c’est que l’eau peut transmettre des informations biologiques, c’est l’idée de Benveniste, et sa deuxième idée c’est qu’on peut les transmettre à distance par des ondes, parce que cette eau qui est organisée, elle émet des ondes électromagnétiques, comme nous ici, nous correspondons par ondes et la nature aussi le fait depuis très longtemps sans que nous le sachions.

S.P. : - Mais il y a quelque chose d’extraordinaire que vous venez de nous dire Luc Montagnier, vous dites que c’est aussi important que ce qu’avait engagé Galilée.  Vous êtes le Professeur Montagnier, vous êtes le co-découvreur du SIDA.  Vous vous êtes battu contre la puissance scientifique américaine, notamment Gallo, ça a été un combat de haute lutte.  Vous en êtes sorti vainqueur et c’est vous qui êtes en train de nous dire : Benveniste est un grand homme,  on s’est payé sa tête et il finira par avoir raison, ce n’est pas rien!  Est-ce que vous êtes seul, est-ce que vous vous sentez seul à dire cela aujourd'hui ?

L.M. : - Non bien sûr nous ne sommes pas seuls, je suis notamment soutenu par des physiciens qui justement travaillent sur la structure de l’eau depuis un certain temps et dans 2 semaines on va célébrer la mémoire de quelqu’un qui est mort aussi, un physicien qui connaissait bien Benveniste, il s’appelait Giuliano Preparata, un italien de Milan.  Non je ne suis pas tout seul, mais je suis quand même assez isolé en biologie parce que là il faut une révolution mentale n’est-ce pas.  Les biologistes en sont restés encore à Descartes.  Descartes, l’animal machine, les rouages, les engrenages... Or, après Descartes, il y a eu Newton, la gravité, une force qui se transmet à distance, il y a eu Maxwell, découverte des ondes électromagnétiques donc tout ceci les biologistes l’ignorent totalement.  Les biologistes actuels, biologistes moléculaires imaginent les contacts entre les molécules par des contacts physiques n’est-ce pas alors que les molécules, c’est ce que disait Benveniste peuvent correspondre également à distance.  Donc c’est une révolution mentale et ça prend du temps.  Et c’est dommage parce qu’il y a aussi des applications médicales.  Le SIDA, par exemple.  Nous détectons des ondes dans le sang des patients traités par la tri-thérapie.  Donc des patients qui en principe vont mieux mais qui ne sont pas guéris car le virus est toujours là qui émet des ondes et l’ADN qui émet ses ondes.

S.F. : - Pourquoi n’a-t-il pas été entendu?  Est-ce qu’il avait prouvé ses théories ou est-ce que c’est juste une question de mentalités qui sont longues à changer?

L.M. : - Alors effectivement c’est de la science difficile, on peut dire de la science molle au départ parce que toutes les expériences ne marchent pas.  Nous, on a la chance d’avoir un système où tout marche, mais ce n’est pas le cas des expériences de Benveniste et notamment quand on prend un tube témoin, un tube en plastique et d’un côté d’un tube qui émit des ondes et bien le tube témoin va aussi acquérir ces ondes. Donc les contrôles vont devenir positifs. C’est ce qu’on a reproché longtemps à Benveniste.  Mais on a été beaucoup plus loin, on l’a traité de tricheur n’est-ce pas, c’était incroyable !  Alors il y avait une revue qui avait un rôle là-dedans, c’est la revue Nature, mais les français ont emboîté le pas et en plus il était vraiment persécuté,  il a perdu son laboratoire... Et donc je trouve ça absolument scandaleux et il faudra qu’il soit vraiment réhabilité car Benveniste, Jacques Benveniste, avait raison !

S.P. : - Vous savez ce que nous disait hier Claude Parent.  Claude Parent il y a 50 ans, à l’époque ou l'informatique et les ordinateurs n’existaient pas, a dessiné des choses qui ne peuvent être dessinées que grâce à la technologie des ordinateurs.  Donc il avait 50 ans d’avance.  Il a inventé une fonction oblique qui était en avance sur son époque.  Benveniste d’un certain point de vue peut-être a été…..a été… a pensé trop tôt…

L.M. : - Il était trop en avance comme ça arrive assez souvent en science bien sûr, les changements de ce que l’on appelle les paradigmes sont très difficiles à avaler pour les scientifiques.

S.P. : - Mais Alain Touraine, le sociologue que vous êtes, considère-t-il qu’en effet le plus difficile toujours est de faire changer les consciences ?  Et pourtant *elle tourne*, comme dirait l’autre.

Alain Touraine : - Oui ce sont des problèmes que Monsieur Montagnier connaît à un tout autre niveau que moi mais c’est vrai que le développement de la science n’est pas linéaire.  Il y a comme pour reprendre son expression, que j’aime bien d’ailleurs, qu’il y a changement de paradigme, c’est une idée qui a été développée il y a longtemps en particulier par un type qui s’appelle Kuhn et avant lui d’ailleurs son professeur qui s’appelait Robert Merton et qui était lui un sociologue et aussi qu’il y a beaucoup de découvertes qui se font par hasard, ce que l’on appelle la serendipity.  Donc ça veut dire que l’esprit scientifique ne consiste pas seulement à empiler des connaissances, pas plus qu’on fait une maison en empilant des briques ou des pierres  il faut qu’il y ait une compréhension de l’ensemble, autrement dit la compréhension de l’ensemble est indispensable pour comprendre chacune des parties et évidemment c’est pas à la porté de tout le monde d’être capable d’avoir une vision globale des problèmes de biologie ou de physique, etc…

S.F. : - À ce sujet Professeur Montagnier, est-ce que les avancées scientifiques sur les nanos permettent justement de voir mieux ces avancées scientifiques que……

L.M. : - Quand on parle des nanos, ce sont des nanos artificiels, créés par l’homme et qui ont peut-être des applications médicales importantes mais qui posent des problèmes de toxicité et de danger à long terme.  Moi je parle de nano-particules de nano-structures naturelles. Ce pas ce n’est pas nous qui les faisons, elles existent dans la nature.  Et effectivement ce que je pense c’est que les germes infectieux, notamment les virus, le virus du SIDA, certaines bactéries émettent des millions, des milliards mêmes de ces particules pour influencer davantage l’organisme parce qu’un virus est quelque chose de tout petit et entre dans un univers et comment il va prendre le contrôle de cet univers et bien il va émettre justement énormément de particules qui vont avoir une petite quantité d’informations mais qui va agir à distance dans l’organisme. Donc c’est un concept que la nature a trouvé…. Nous, il faut lutter bien entendu… mais je crois qu’il y aura des moyens mais il faut vraiment qu’il y ait un effort de recherche considérable à la fois basique, théorique et aussi pratique parce qu’il y a des applications énormes à la clé et le premier pays qui comprendra ça aura une avance économique aussi sur les autres et je regrette que la France ne prenne pas ce tournant.

S.P. : - Mais ne faut-il pas Monsieur Montagnier pour cela une très grande ouverture d’esprit qui permettrait la trans-disciplinarité ? C’est-à-dire, ouvrir un champ de recherche à plusieurs disciplines simultanément afin d’apporter la meilleure réponse possible c’est-à-dire une réponse systémique, c’est un mot qu’on emploie souvent ici dans le sept neuf du week-end parce qu’il nous paraît important dans le monde ou nous vivons aujourd’hui.

L.M. : - Absolument.  Mais le problème c’est que la masse des connaissances est énorme.  Même en biologie, une toute petite partie demande une spécialisation.  Donc il faut effectivement, parfois, transgresser, passer d’un domaine à l’autre, et ce n’est pas très bien vu par les collègues à ce moment là.

S.P. : - Parce qu’il y a beaucoup de propriétaires souvent aussi.

L.M. : - Il y a beaucoup de propriétaires et puis on pense que quelqu’un qui va dans différents domaines est un peu comme un papillon, il ne comprend rien.  C’est faux!  Il faut quand même de temps en temps effectivement notamment pour ce problème là, réunir les physiciens et les biologistes.  Et ça n'est pas facile!  Mais quand même certains physiciens ont tout à fait compris et certains biologistes aussi.

S.P. : - Je voudrais, pardon de le dire, mais c’est presque une sorte de devoir moral que j’ai là.  À l’époque où Benveniste poursuivait ces recherches et ces travaux, il écoutait beaucoup France-Inter, il écoutait notamment le sept neuf dont j’avais la responsabilité.  Et très souvent, j’ai eu sur le répondeur téléphonique du bureau du sept neuf, des messages de Monsieur Benveniste.  C’est là que j’ai entendu l’incroyable, la terrible solitude d’un homme qui dans son milieu était à ce point remis en cause.  Je m’en suis toujours voulu d’ailleurs de n’avoir pas invité Benveniste et donc Monsieur Montagnier merci d’être ici aujourd’hui et de dire ce que vous dites de Jacques Benveniste.

L.M. : - Je regrette aussi que Benveniste ait été vraiment très maltraité par ses collègues en France.

S.P. : - Mais ça n’a pas changé ?  C’est en train de changer ?  Ou pas ?

L.M. : - Pas tellement, il y a encore des gens qui pensent que c’était un tricheur.  Et je crois que c’est absolument scandaleux et je ferai tout pour réhabiliter sa mémoire et continuer ses travaux.

Ivan Levai : - On l’a pas cru... Pardonnez-moi d’intervenir...

S.P. : - Ivan.

Ivan Levai : -  ... mais moi je fais partie des… des imbéciles qui ont douté.  Et je crois que c’est parce qu’on s’est peut-être trompé dans la communication, c’est-à-dire qu’on a dit «Benveniste et la mémoire de l’eau» et on a traduit ça par une image stupide qui était, voilà, vous faites tomber une goutte d’eau à Lyon et quand elle arrive à la mer elle se souvient de la ville qu’elle a traversée.  Alors évidemment lorsque l’on vous présente ça comme ça et qu’on communique là-dessus on se dit c’est complètement dingue, ce type il est fou.  Moi je fais partie de ceux qui ont considéré qu’il était fou.

S.P. : - Mais vous savez ce que l’on dit dans les feuilletons télévisés du soir dans les enquêtes scientifiques, ce qui est aujourd’hui scientifiquement démontré?  Toute personne qui rentre dans une pièce modifie la pièce et la pièce modifie la personne.  À méditer !  

L.M. : - Il ne faut pas oublier que l'Univers ce n'est pas seulement de la matière...

S.P. : - Pardon Monsieur Montagnier...  Claude Angéli qui est un spécialiste de ce type de question est d’accord avec ça, non ?

Claude Angéli : - Absolument.  Et je suis très outré aussi que le Professeur Montagnier ait dû s’exiler aux États-Unis.

S.P. : - Ah oui, ça c’est ahurissant !

C.A. : - Ça il fallait le dire quand même, parce que nos auditeurs ne sont pas tous au courant que c’était une question d’âge et le Professeur Montagnier ne pouvait plus exercer en France.  C’est ça ?

L.M. : - J’avais été obligé de quitter l’Institut Pasteur, effectivement j’avais l’âge de la retraite.

C.A. : - C'est absolument scandaleux.

S.P. : - Qu'est-ce qu’on est content de vous voir ici !

L.M. : - Ce que j’allais dire c’est que l’univers ce n’est pas seulement de la matière c’est aussi des ondes, il ne faut pas oublier ça.   Et les ondes, on s’en sert, la radio s’en sert tout le temps... et la nature aussi !

S.P. : - Vous savez ce que c’est aussi... et c’est dommage quand même, il faudrait vous voir….c’est aussi de l’empathie.  Et quand vous êtes tous ici dans ce studio, ça change pas mal de chose. 

S.F.: - Ça doit passer par les ondes aussi…

S.P.: - Peut-être un petit baiser, notamment de Manault Deva, pour finir, parce que c’est vraiment de l’empathie...